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Le restaurant Junjun, un vent de modernité dédié à la cuisine philippine

Nous sommes dans le Sud-Ouest, où un nouveau vent de saveurs souffle sur la rue Notre-Dame, avec l’ouverture récente du restaurant Junjun, dédié à la cuisine philippine. Niché à côté de son aîné de renom, Junior Filipino, Junjun brille déjà par sa capacité à offrir une expérience culinaire à la fois authentique et novatrice. Au coeur de cette belle équipe se trouve le co-chef Neil John Manlapas Gayo avec qui nous avons eu la chance de nous entretenir pour en découvrir plus sur les coulisses de son parcours et de cette aventure gastronomique aux plats renversants et délicieusement réussis. Jeune virtuose, sa passion pour la cuisine philippine et sa créativité transforment chaque plat en une expérience gustative complètement unique! Junjun, c’est une invitation au voyage, à la découverte d’une culture riche et vibrante où chaque bouchée nous plonge dans un bouillon de saveurs inédites…

*L’entrevue a été réalisée en anglais et a ensuite été traduite en français

Neil John Manlapas Gayo, co-chef du restaurant Junjun

En premier lieu : Pourquoi “Junjun”, qu’est-que-ce mot signifie?

N : “En fait Junjun est le diminutif de Junior. C’est un clin d’œil à notre autre restaurant Junior Filipino qui est comme notre premier fils. Aux Philippines, la personne la plus jeune est constamment appelée par ces surnoms. "Oh, c'est notre Junior, c'est notre Junjun".

On voulait ouvrir une nouvelle entité qui soit directement liée à Junior Filipino. Quelque chose avec la même ambiance, la même signification, mais avec une offre plus soutenue. C’est parti du fait que Junior est souvent plus utilisé que Junjun, ce qui fonctionne bien avec notre offre qui se veut être plus singulière.”

Peux-tu nous raconter l'histoire derrière la création de Junjun? Pourquoi avoir choisi le sud-ouest?

N : “Chez Junjun, nous sommes sept partenaires dont les propriétaires majoritaires, Jojo Flores, Toddy Flores et Bic Flores, qui possèdent aussi le restaurant Junior Filipino et le Café Got Soul. En fait, on avait planifié sa création il y a trois ans déjà. Le restaurant devait ouvrir ses portes au centre-ville de Montréal mais nous partions totalement de zéro. Puis, l’emplacement où se trouvait le restaurant Chez Sophie s’est libéré. On nous a proposé de reprendre le lieu, ce qu’on a évidemment fait. C’était une trop belle opportunité pour passer à côté. Je pense vraiment que Griffintown a du potentiel. Pour moi, c’est le nouveau downtown de Montréal.

L’idée derrière Junjun est vraiment d’élever notre offre et de montrer que la cuisine philippine n’est pas uniquement de la comfort food mais peut totalement avoir une dimension plus gastronomique, plus contemporaine.”

Comment décrirais-tu la cuisine philippine à quelqu'un qui n'y a jamais goûté? Quels sont les éléments qui la rendent si unique?

N : "Pour moi, la cuisine philippine est une cuisine à la base plutôt simple que nous transformons en quelque chose de délicieux. Par exemple, nous avons l’Adobo, qui est LE plat national aux Philippines. L'Adobo est un plat où les légumes, la viande ou les fruits de mer sont marinés dans du vinaigre. C'est la recette originale. Il est ensuite accompagné de sauce soja due à l'influence de la Chine. On y ajoute du poivre, des feuilles de laurier, des épices… Chaque région a sa propre version de l'Adobo. Doux, épicé ou même sec.

J’aime bien dire que la cuisine philippine est “disgustingly delicious” car nous cuisinons des parties moins communes des animaux. Les Philippines étant un pays du tiers-monde, on utilise ce qu’on a pour survivre. Mais ce qu’on a, on le transforme en quelque chose de savoureux. Même le célèbre chef Anthony Bourdain l’a confirmé!

Comment s’est construit ton parcours? d’où te vient cette passion pour le domaine de la restauration?

N : "Je suis né et ai grandi aux Philippines. J’ai obtenu mon premier diplôme en gestion financière, donc rien à voir avec le domaine dans lequel je suis aujourd’hui. Je venais d’avoir mon diplôme et étais à la recherche d’un emploi. Mais j’avais que 19 ans et ils cherchaient globalement quelqu’un de plus vieux et expérimenté. J’ai donc décidé de reprendre le chemin des études orientées Cuisine. Pour être honnête, je cuisinais pas beaucoup à l’époque mais c’est quand j’ai découvert un cours spécialisé que j’ai commencé à vraiment m’y intéresser. Je me suis dit : “ok, pourquoi pas essayer ?”

Finalement, j'ai suivi le cours et j'en suis tombé amoureux. Surtout grâce à un évènement auquel mon Université participait. Il s'agit en gros d'un festival de cuisine de rue aux Philippines où toutes les routes se retrouvent fermées et tout tourne autour de la bouffe. L'un des cuisiniers avait besoin de monde pour l’aider, et c’est à ce moment-là que ça été un véritable gamechanger. Par la suite, après avoir gradué, on m'a proposé d'aller faire un stage d'un an aux États-Unis et voilà que je me retrouve aujourd’hui à Montréal, là où ma mère vit depuis 15 ans, pour être plus près d’elle.”

Y a-t-il des mentors ou des chefs qui t’ont particulièrement inspiré dans ton parcours?

N : "Oh oui, j'en ai beaucoup. Mais je dirais que le mentor qui nous a vraiment inspirés à cuisiner, moi et Lorenzo Aquino, co-chef chez Junjun, est le chef Nick Bramos, qui a notamment travaillé chez Toqué ! et Marcus. Il est propriétaire du restaurant Emmanuelle Lounge et a récemment ouvert Yubari au Vieux-Port. Il est aussi copropriétaire de Doxa House. Je l'ai rencontré grâce à Jojo Flores. Le fait qu’on représente les Philippines ici à Montréal l’a beaucoup inspiré. On a donc organisé un pop-up ensemble et c’est de là que l’aventure s’est lancée à ses côtés!”

Qu'est-ce que tu aimes le plus dans le fait d'être chef?

N : “Je dirais que ce que j’aime le plus en tant que chef, c'est le fait d’être en apprentissage constant. J'ai appris de mes cuisiniers, des autres chefs, et même des barmans ou des managers. J’ai appris à créer des associations selon comment un plat se marie avec telle boisson, service, etc. Je pense que c'est la meilleure partie du métier de chef, sinon tout deviendrait vite ennuyeux! Il faut être ouvert aux idées et aux gens. C'est un processus sans fin. La cuisine, c’est comme les êtres humains, elle évolue tout le temps.”

c’est quoi ton ou tes pêchés mignons en termes de plats philippins?

N : “Je commencerais par le traditionnel Sinigang. C'est une soupe aigre dans laquelle sont cuits des légumes, de la viande ou du poisson. En général, on utilise du tamarin pour la rendre aigre. On peut la manger en été ou en hiver. Pour ma part, mon préféré est le Sinigang aux crevettes. J’aime beaucoup les fruits de mer.

Sinon ici au restaurant Junjun, je dirais le Longanisa Tortellini même si c’est honnêtement dur de choisir! Aussi parce qu’il est le fruit d’un gros travail. Personnellement, je savais pas comment farcir des pâtes à partir de rien. Comme je l'ai dit, nous avons un mentor, Nick Bramos, et je lui ai demandé de m'apprendre à le faire. On a ensuite eu l'idée, Lorenzo et moi, de transformer les tortellinis italiennes en un plat philippin revisité, qui plus est végétarien. Le Longanisa est un peu comme notre version du chorizo en Espagne. Je suis super fier de ce plat parce qu'il s'agit d'une fusion entre les Philippines, l’Italie et l’Espagne. Et puis au lieu d'utiliser de l'ail frais, on utilise de l'ail noir pour la sauce. C’est juste à couper le souffle.

et Justement, quelles régions des philippines marquent particulièrement votre menu? quels sont vos ingrédients incontournables?

N : "Ce qu’on voulait chez Junjun était de pouvoir représenter toutes les régions des Philippines. On a fait pas mal de recherches pour pouvoir représenter au moins un plat de chaque région. En fait, si tu veux représenter les Philippines, tu dois représenter le pays dans son entièreté, dont les trois îles principales appelées Luçon, Visayas et Mindanao. Quand tu prends du recul, la cuisine philippine est en fait une fusion de toute notre histoire coloniale. La plupart des ingrédients qu’on utilise sont basiquement des oignons, de l'ail et du gingembre. On utilise aussi beaucoup d’ingrédients locaux comme de la citronnelle et des feuilles de laurier, mais aussi du poivre et d’autres épices de Chine.”

Junjun étant une version moderne de la cuisine philippine: comment trouvez-vous l'équilibre entre tradition et innovation dans vos recettes?

N : "Pour Junjun, le côté traditionnel se ressent plus dans le goût que dans le visuel, qui lui est plus contemporain. On utilise de nombreux produits et ingrédients différents mais on souhaite vraiment que le goût reste le plus traditionnel possible. Qu’on puisse tout de suite identifier notre cuisine. Pour l’aspect innovant, je dirais que c’est surtout notre ouverture avec nos pays cousins qui fait la richesse de notre offre!

On remarque que l’univers de la musique est très présent chez Junior filipino et le café got soul.

est-ce qu’Il y a aussi cette dimension là chez junjun?

N : “En effet, Jojo et Toddy sont de grands DJ au Canada. C’est donc naturellement qu’ils ont souhaité intégrer la dimension musicale dans nos restaurants. Le Café Got Soul, en particulier, puisque c’est un café hi-fi. Tous les week-ends, si je ne me trompe pas, il y a des DJ sets au café. Pour Junior Filipino, on a aussi une soirée “EATS. BEATS. PEATS” tous les lundis, où l'un des propriétaires joue et représente son groupe gotsoul records.

Pour Junjun, c'est un peu différent. On veut une ambiance plus distinguée, plus élégante, tout en restant décontractée. Le genre de lieu idéal pour un date romantique ou entre ami.e.s par exemple! Quelque chose qui marque les esprits, dont vous vous souviendrez toute votre vie! Je dirais qu’en plus de savourer de bons plats, vous vivez une vraie expérience.

pour finir sur une belle note, qu’est-ce qu’on peut souhaiter à junjun?

N : "Pour l'instant, nous voulons surtout que Junjun soit stable, comme c’est nouveau. Créer des habitudes, que les clients viennent régulièrement comme avec Junior. Que l’ambiance soit toujours aussi représentative des Philippines mais avec une dimension plus élevée. Et puis si par la suite nos clients deviennent des habitués, alors nous mettrons probablement en place un menu dégustation, en complément du menu classique!

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