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RÉCO : la quincaillerie écologique qui offre une seconde vie aux matériaux

Au cœur de Montréal se trouve une quincaillerie pas comme les autres : RÉCO, née de la transformation d'Éco-Réno. Animée par la volonté de proposer une alternative écologique dans l'univers de la construction, RÉCO se spécialise dans l'économie circulaire, donnant un second souffle aux matériaux qui ne demandent qu’à revivre. Chaque trouvaille nous raconte alors une histoire et se pare d'une âme unique et durable.

Pour percer les secrets de ce magasin aux multiples trésors, nous sommes partis à la rencontre de Florent Goldblum, directeur Communications et Marketing pour RÉCO et Architecture Sans Frontières Québec (ASFQ). Deux entités intrinsèquement liées, aux missions environnementales et sociales fortes. Au fil de cet échange, Florent nous offre un regard éclairé sur la notion de réemploi et de son potentiel extraordinaire. En s'inscrivant dans une démarche résolument écologique et humaine, RÉCO se positionne comme un acteur incontournable à l’approche inspirante, qui nous pousse à repenser nos modes de production et de consommation.

Peux-tu nous raconter comment tout a commencé? L’histoire d’Éco-Réno aujourd’hui devenu RÉCO? 

F : “Alors il faut savoir qu’Éco-Réno existe depuis 2002. C’était une quincaillerie dite écologique qui était située à Montréal sur la rue Papineau, dans un local relativement petit. Ça avait plus un côté antiquaire, quelque chose de très artisanal basé sur le réemploi. La plupart des matériaux provenaient de dons ou d’objets abandonnés. 

Indépendamment de ça, Architecture Sans Frontières Québec a entre-temps évolué. Parmi ses différents programmes, ASFQ a créé un programme d’économie circulaire. Comme c’est un organisme qui dépend de l’Ordre des architectes du Québec, on s’est aperçu qu’il y avait un nombre colossal de pollution liée aux travaux, à la construction, à la démolition… Et que tous ces déchets, produisant des gaz à effet de serre, finissaient sans exception à l’enfouissement. Sauf que beaucoup d’entre eux pouvaient certainement retrouver une seconde vie. Il vaut mieux déconstruire pour faire revivre plutôt que de démolir. ASFQ a donc décidé de reprendre Éco-Réno en 2020 sous un nouveau nom de marque, afin de créer un service clé en main qui incite et invite les gens à acheter des matériaux revalorisés. On a officiellement lancé RÉCO en novembre dernier, dans notre magasin de 10 000 pieds carrés.”

Florent, tu es directeur des Communications & Marketing au sein d’Architecture Sans Frontières Québec, c’est quoi ton lien avec RÉCO?

F : “Mon lien est énorme et est l’origine de ma venue au sein d’ASFQ. Bien sûr qu’ASFQ avec ses missions humanitaires et architecturales m’intéresse beaucoup. Ce qui fait du sens pour RÉCO, c’est que je suis naturellement quelqu’un de passionné par l’architecture et l’univers de la maison. J’ai toujours travaillé en rapport avec les matériaux, l’ameublement, le commerce de proximité, le e-commerce. Je suis un amoureux de la décoration. D’avoir pu faire le lancement d’une quincaillerie écologique dans laquelle on peut trouver du patrimonial comme du neuf ou de l’usagé à travers un inventaire unique, je trouvais ça absolument fabuleux. À travers cette mission, le défi est aujourd’hui de rendre pérenne un modèle qui est nouveau. Ce qui est passionnant.”

Tu peux nous en dire plus au sujet de la récupération des matériaux chez RÉCO? 

F : “Sachant qu’on est un organisme de bienfaisance, on est très structuré et réglementé. Notre mission première concerne la diminution des gaz à effet de serre dans l’univers des matériaux de construction. L’idée, c’est que RÉCO devienne LE geste RÉCO et que dès que quelqu’un entreprend des rénovations, qu’il ou elle se pose la question : “qu’est-ce que je vais pouvoir conserver?”.

Comme une quincaillerie ordinaire, on offre différentes familles de produits : des portes, des luminaires, des ustensiles, du petit outillage comme des vis et des charnières, du bois, qu’il soit traité, non-traité, sculpté, du verre ou encore du matériel de salle de bain… Sauf qu’ici tout provient de dons et on n’a pas idée de tout ce qu’on peut réutiliser.

Acheter du réemploi, ce n’est pas forcément quelque chose de visible. Il y a comme quatre formes de réemploi : celui qui est totalement invisible, le semi-visible, le visible et le réinventé. Pour l’invisible, ça peut être tout simplement une insonorisation ou une dalle de béton. Le semi-visible, on ne s’en rend pas forcément compte. Le matériau est réintégré dans le décor, au style actuel. Le visible concerne un objet récupéré tel quel et le réinventé, quant à lui, laisse libre cours à la créativité de chacun.e.”

Peux-tu nous partager un aperçu de ce à quoi ressemble une journée type dans votre équipe? Les aspects les plus importants de votre quotidien professionnel?

F : “Le quotidien chez RÉCO commence à une heure où il n’y a encore personne au magasin, car nous ouvrons en semaine l’après-midi et en journée le samedi. Toute l’équipe dédiée à RÉCO se réunit, les fonctions “support” et les fonctions “plancher”. Généralement, le matin sert à faire le point sur les dons à intégrer dans notre système. Ils ont chacun leurs spécificités : poids, dimensions, âge, défaut(s), prix, etc. Les items sont très variés, c’est donc une grosse logistique. Il faut également aménager les espaces du magasin. C’est-à-dire, les produits à mettre de l’avant pour les retraits dans la journée par exemple. Il faut qu’il y ait une grande fluidité afin que de nouveaux produits puissent arriver. 

En après-midi, dès que le magasin ouvre, il y a l’aspect conseil et vente qui évidemment prend une part importante. Le conseil est essentiel puisqu’on a quand même des pièces patrimoniales avec un gros vécu qui intéressent particulièrement les collectionneurs. On contribue à être dans le souvenir du patrimoine québécois. Sinon, de mon côté, je m’occupe de mettre en lumière sur les canaux de diffusion tous les produits phares du moment pour trouver de potentiels acheteurs à qui faire connaître le magasin. Car on ne le soupçonne pas mais on a beaucoup d'acheteurs aux projets fous qui ne veulent passer que par du réemploi!”

Jusqu’à présent, c’est quoi les projets les plus insolites que vous ayez eu avec RÉCO?

F : “Oh! Je dirais celui d’un monsieur qui cherchait à tout prix des estrades en bois car il avait pour projet de construire dans son jardin de campagne une petite patinoire pour ses filles. Et voilà qu’on devait être les seuls à les avoir, ces fameuses estrades. Ce qui est super, parce qu’il a pu démarrer son chantier rapidement grâce à ça.

Sinon, on a eu le projet fou d’une maman qui a voulu créer une pièce secrète pour sa fille, dans le style d’Harry Potter. Ou encore la personne qui a fait construire son chalet uniquement en fonction des matériaux trouvés. Ce qui a demandé une grosse adaptabilité selon ce qui s’est offert à elle. On a aussi eu la venue d’un monsieur qui souhaitait acheter des poutres en bois traité pour son fils, qui a pour projet de construire sa maison. Et le rêve de son fils, c’est d’avoir un salon entièrement vintage. Il souhaitait donc un endroit où trouver toutes ses pièces en une seule fois, ce qui correspond complètement à RÉCO. Ah oui! Et un collectionneur qui cherchait une grosse horloge comme on peut en trouver dans les parcs d’attractions… Que des projets géniaux dont on n’imagine pas toujours l’existence!”

RÉCO étant l’un des fleurons québécois en matière d’économie circulaire, remarques-tu un impact considérable de votre organisme sur la communauté locale?

F : “Tout à fait. Dans le cadre de notre inauguration pour célébrer la passation d'Éco-Réno à RÉCO, nous avons eu la chance d’être félicités par de nombreuses personnalités, comme Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, Valérie Plante, mairesse de Montréal, Émilie Thuillier, mairesse d’Ahuntsic-Cartierville, Emmanuelle Gehin, présidente-directrice générale de RECYC-QUÉBEC, Pierre Corriveau, architecte et président de l’Ordre des architectes du Québec, Colleen Thorpe, directrice générale d’Équiterre ou encore Richard Darveau, président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT). 

On a aussi accueilli des personnalités plus privées, notamment Julie Deslauriers qui est notre marraine, Daphné Morin de l’émission Réal Débarque, Julie Scott ou encore Stéphanie Guéritaud du blogue Déconome. On a donc eu la chance d’obtenir beaucoup de visibilité. Notre emplacement est aussi super important, près du métro Sauvé sur le Boulevard Saint-Laurent, qui est un peu la zone dédiée aux quincailleries. Disons qu’on a essayé de donner à RÉCO le maximum de force au lancement pour que le décollage soit le meilleur possible.”

Ça vous arrive de travailler pour des projets de conception de scénographie? Ou de revalorisation dans le domaine du design?

F : “Bien sûr, surtout pour de la location de matériaux à des fins de décors de cinéma ou de théâtre. Ce que nous avons évidemment accepté. Ce qui est intéressant ici, c’est le cycle. Ça permet encore une fois de faire revivre ces matériaux avant qu'ils ne soient définitivement la propriété de quelqu’un pour les années à venir. On a la chance d’avoir aussi des passionnés, spécialisés dans la restauration de produits. Notamment les calorifères ancestraux qui ont un design hyper spécifique dans des styles art nouveau. L’idée de se servir du contenant pour recréer le contenu est fantastique.”

Est-ce qu’il y a des produits ou catégories spécifiques que vous recherchez ou qui sont particulièrement recherchés? Lesquelles?

F : “Je pense que ce qui est le plus recherché sont les dimensions, pour retrouver celles d’un item en particulier. Sinon, certains produits plaisent beaucoup comme les portes ancestrales. C’est marrant car la porte est un item qui ne gène pas, dans le sens où les gens sont très favorables à l’idée de les utiliser dans une dynamique de réemploi. On essaie d’être au fait des dernières tendances afin de répondre au mieux aux demandes, dans la mesure du possible selon les objets récupérés. Mais aussi, à l’inverse, on peut proposer des pépites insolites. Sur les médias sociaux, j’ai présenté un papier peint provenant du Canada, super vintage, au style romantique et qui a très certainement été fait à la main. Au final, j’ai eu un retour impensable de personnes qui m’ont contacté pour venir le chercher au plus vite. 

On a plein de trésors, avec une qualité de fabrication totalement fabuleuse. Ce sont des produits signature. Au fond, ça contribue à redorer le blason de l’artisanat ancien qu’il y a pu avoir au Québec et au Canada. Le Québec était une province très connue pour sa manufacture, qui produisait beaucoup dans l’industrie textile et évidemment dans plein d’autres domaines.”

C’est quoi le projet lié à la préservation du patrimoine dont tu es particulièrement fier?

F : “Un coup de coeur important à mes yeux est celui d’une grange ancienne qui allait s’effondrer et qui allait être démolie pour des raisons de sécurité, d’esthétique, etc. Cependant, l’armature de la grange, notamment les poutres, étaient récupérables. Beaucoup de temps a été consacré pour récupérer ces poutres afin de les remettre en état. Et, en arrivant chez ASFQ, je me suis lancé le défi de trouver un.e acheteur.euse pour ce produit à la forte valeur patrimoniale. Et j’ai réussi à trouver quelqu’un de super flexible. Ce qui a été une belle victoire, car ça prouve que quelque soit la quantité d’éléments à réemployer, énormément de matériaux peuvent être récupérés. Je dirais presque qu’une maison pourrait être totalement désossée et reconstruite derrière. On en est vraiment qu’au début de cette aventure, surtout que les matériaux qui ont traversé le temps ont fait leur preuve en termes de résistance. 100 ans plus tard, certains objets tiennent toujours debout et ne demandent qu’à revivre.”

C’est un défi pour toi cette dimension de sensibilisation au réemploi des matériaux?

F : “C’est super challengeant oui. Je pense qu’à un moment, on a rompu avec cet art de vivre qui était celui de nos grands-parents. Où le réemploi était quelque chose de naturel. On consommait moins, on jetait moins, on faisait longtemps avec ce qu’on avait. Il n'y a pas si longtemps encore, ça paraissait complètement grotesque de dire qu’on récupérait le dos des enveloppes pour en faire des feuilles de brouillon. Aujourd’hui, on sait que cette feuille économisée, c’est de la pâte à papier en moins à fabriquer, un arbre en moins à couper. Notre façon de consommer est responsable de l’état de la planète.

Je dirais qu’il y a un engouement qui se veut plus important qu’avant, mais il ne va pas falloir qu’il devienne une mode passagère, mais plutôt un mode de vie. On est sur quelque chose d’encore naissant. Convaincre de réemployer est un vrai défi parce qu’on doit faire face à toutes les craintes des gens plutôt que tous les intérêts. Il va falloir faire un vrai travail de sensibilisation, mais je trouve déjà que les démarches entreprises jusqu’ici donnent un résultat très encourageant. 

Mon dernier challenge serait aussi d’inciter les professionnels à adhérer au réemploi. Qu’ils puissent entrer dans cette sphère avec toutes les clés en main. Pour qu’ils communiquent ensuite eux-mêmes sur cette démarche.” 

On a envie de savoir : c’est quoi la suite pour RÉCO? Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter?

F : “Dans un premier temps, ce serait que le catalogue soit mis en ligne. Qu’on puisse publier une bonne partie de l’inventaire pour que la visibilité des produits soit la meilleure possible. Je dirais aussi le souhait qu’un maximum de gens passent la porte du magasin, ne serait-ce que pour découvrir l’étendue de l’inventaire. On n’a pas idée de ce qu’on peut trouver. Et comme ce sont des items uniques, ça change tout le temps. Venir se balader chez RÉCO, c’est se laisser inspirer…

La plupart du temps, quand quelqu’un rentre dans le magasin sans savoir qui nous sommes et qu’on lui dit que tous les produits qu’il voit devraient être à l’enfouissement, ça éveille les consciences. Si demain on avait quatre fois plus de surface, on en aurait tout autant à remplir. C’est sans fin, et c’est là que ça doit alerter. C’est essentiel qu’on intègre cette dynamique dans nos habitudes d’achat. Bien sûr, ça ne veut pas dire que tout ce qui est consommé doit provenir du réemploi, je dirais juste que c’est important dans une démarche d’achat de se poser cette question.”

Pour résumer cet échange, si tu devais décrire RÉCO en un seul mot, lequel choisirais-tu et pourquoi?

F : “Je dirais… “germer”. Mon prénom veut dire “florissant” en latin, mon nom de famille veut dire “fleur d’or” et je suis né “rue des plantes”, les hasards font bien les choses! Pourquoi ce mot? Parce que pour moi, RÉCO est une graine qui commence seulement à pousser pour à terme devenir un arbre. Un arbre qui avec toutes ses branches redonne vie aux matériaux enfouis sous terre pour respirer à nouveau.”

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