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Le Comité : expérimenter les espaces au-delà des villes

Emilie Gagnon, Maxim Bonin et Pierre Moro-Lin se rencontrent il y a une dizaine d'années sur les bancs de l’école alors que le trio étudie au DESS de design d’évènement à l’UQAM. Déjà, l’envie de lancer un projet commun les lie mais c’est en 2016 que Le Comité prend la forme d’une coopérative de travail au cœur du quartier d’Hochelaga-Maisonneuve. Les trois comparses choisissent le modèle d’affaires de la coopérative de travail pour œuvrer dans le design urbain et d’évènements : cela correspond aux valeurs d'équité, de collaboration et de solidarité qui les réunissent. 

Une pratique hybride

Le design s’impose comme un domaine multidisciplinaire visant à penser les espaces ainsi que les objets de façon à les rendre fonctionnels ainsi qu'esthétiques. Portée sur la création, la discipline répond à un processus de travail précis qui va de l’analyse de terrain, au travail de développement avec les matériaux jusqu’à l’installation. Pour Emilie « Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est ce qui relève de l’ergonomique, la relation de l’humain avec les objets, les espaces, les fonctions auxquels on doit répondre en créant quelque chose. Il peut y avoir des notions de fonction comme d’émotions. ». À titre d’exemple éloquent, si tu as aimé te réapproprier les places publiques comme Mont-Royal, Fleury ou Ontario à la sortie du confinement de cet hiver, les installations du Comité n’ont pas dû t’échapper. En tant que spécialistes des espaces publics, de leurs normes mais aussi des façons de construire, les membres de la Coop ont travaillé à assembler notamment les plaisantes TULIPs (terrasses urbaines libres en public) à l'été 2020. Plusieurs autres projets marquent leur contribution à améliorer l’expérience et la qualité des voies publiques : Chats de Ruelles a été leur premier projet d’envergure en collaboration avec la TOHU. Ce modèle d'événements a pris place sur 19 semaines : une ruelle particulière accueillait alors plantations, ateliers de cirque participatifs, concerts de musique émergente, découvertes numériques en investissant cette partie d’un nouvel arrondissement chaque week-end. Plus que des installations fonctionnelles ou artistiques, le Comité célèbre la créativité en innovant en faveur de nouveaux types d'événements tout en se souciant de la pérennité de leurs réalisations. Jarry Varry constitue en cela un autre projet entièrement imaginé et mis en place par l’équipe tout comme le nouvel aménagement du marché public de Val-David ou encore l’inédite installation de campings flottants à Québec. 

Remarquons à ce sujet que le projet de marché public de Val-David a été finaliste du Prix Shenzhen international en design - édition 2017. Une reconnaissance pour la coopérative qui poursuit son « amour de développer des projets avec les marchés publics, car ce sont des projets d’aménagement urbain qui touchent autant l'aspect permanent qu’événementiel. Alors c’est un beau mix ! » (Emilie) Pierre souligne justement « On teste des choses qui n’ont pas nécessairement été faites dans des marchés publics, on parle ici de développer de nouveaux usages, de nouvelles expériences, ça nous allume bien tout ça ! »

Au-delà des limites de la ville

L’originalité et l’intention de chaque projet varie tandis que leur vision s’ancre dans une vraie démarche de faire du sur-mesure durable. Pour cela, le Comité s'intéresse aux défis des régions avec des municipalités plus petites que Montréal en ayant à cœur le souci de cerner l’environnement, de travailler avec les parties prenantes locales coutumières des lieux et de répondre à divers usages. La coopérative prend plaisir à explorer d’autres proximités diversifiées, offrant des enjeux stimulants en dehors de Montréal. Pierre précise « On ne veut pas le faire que pour la ville, à savoir les métropoles. Il y a plein de coins à faire rayonner, plein de choses qui se passent à travers le Québec ! » 

Ainsi, travailler avec une autre proximité que celle permise en ville stimule l’équipe de designers. Se confronter à d’autres enjeux, cela passe aussi par une envie de garder un lien privilégié avec l’ensemble des secteurs croisés dans la conception de chaque projet tout en initiant une certaine vision de l’espace public. Emilie explique : “Les marchés publics, c’est vraiment une expertise qu’on aime développer, ce sont des lieux très polyvalents, ils servent l’usage d’un marché mais ça forme aussi souvent le cœur de vie de village, on y travaille avec différentes personnes issues d’une diversité de milieux …”

Le collectif Archigram compte en outre parmi les mouvements d’inspiration des designers du Comité depuis des années. Cet hiver, tous.te les trois ont d’ailleurs mis en ligne un manifeste très inspirant pour partager selon 3 axes les valeurs sociales, économiques et culturelles sur lesquelles la mission de la coopérative repose. Ce partage de leur vision novatrice et multidisciplinaire de l’espace a suscité des commentaires variés après sa publication, rejoignant leur but d’ouvrir le débat : 

« C’est notre façon de « participer » en tant que designers, de mettre une voix sur ce volet de la construction de la ville. On va se réinventer non pas en gardant les mêmes étiquettes mais en adaptant par exemple au travers de la mobilité, l’adaptation à l’environnement, la réflexion autour de la notion d'événement... Tout est interrelié » (Emilie). 

Pour y prendre part et réfléchir à ce qu’on pourrait développer pour améliorer la ville, consulte le manifeste

Varier les partenaires à l’échelle locale importe aussi pour la coopérative, notamment à travers les différentes étapes de conception des projets.  Le Comité veille  également à choisir des matières faisant le moins de trajet possible et compte sur les nombreuses filières québécoises pour fournir suffisamment pour créer de belles choses ! « C’est essentiel de faire confiance aux artisans ou aux fournisseurs locaux » (Emilie)

Faire connaître les disciplines du design

Passionné.es par leur travail, les designers expriment une volonté de mettre en commun cette passion ainsi que les expertises autour de mêmes projets. La coopérative incarne le cadre propice pour travailler pour une cause collective en considérant une responsabilité partagée. C’est pour cela que le Comité œuvre à titre de mentors avec « Fusion Jeunesse » et « Montréal Relève » : en faisant participer les jeunes, en répondant à leurs questions, les designers de métier et en devenir s’inspirent mutuellement. 

Partageant la volonté de valoriser le programme suivi ensemble, des stagiaires du DESS en design d'événements de l'UQAM rejoignent chaque année l’équipe pour en apprendre davantage sur la discipline. Le Comité remet également une bourse, la seule et la première en design d’événements à l’École de design de l’UQAM, pour faire valoir cette discipline. Chargé de cours au sein de ce même programme, Maxim Bonin participe également à entretenir ce lien avec le milieu universitaire. En plus de collaborer à divers projets de recherche, il a co-écrit un chapitre dans l’ouvrage Planning and Managing Smaller Events: Downsizing the Urban Spectacle, publié en septembre 2020 aux éditions Routledge.

Ainsi, pour Le Comité, la curiosité se présente comme une force et les trois membres fondateurs entendent bien transformer la crise sanitaire actuelle en un vivier de réflexions pour contribuer positivement au développement de nos milieux de vie en ville et en région!

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RÉDIGÉ PAR
Eloise Le Bihan

CRÉDITS PHOTOS
Le Comité