Les Affûtés : Renouer avec la fierté du faire soi-même
Michael Schwartz s’installe à Montréal en novembre 2018, quelques mois seulement avant le lancement des ateliers par les Affûtés. Ces rendez-vous initient ou accompagnent dans l’apprentissage de compétences manuelles et savoir-faire tels que la menuiserie, la confection de savoir ou encore le recyclage de panneaux publicitaires en sacs à dos. D’abord hébergée au sein de l’espace de coworking Temps Libre, sur Gaspé et dans l’atelier Clark en janvier 2019, l’équipe des Affûtés ouvre une première boutique dans la Petite Italie en mai 2019. Depuis, un second espace est apparu aux abords du Village, sur la rue Ontario. Les deux boutiques accueillent à la fois des ateliers collectifs donnés par les Affûteur.euses et d’autres projets individuels proposés par les usager.ères.
Diplômé de HEC Paris avec une spécialisation en entrepreneuriat en 2010, Michael Schwartz commence immédiatement à entreprendre avec le souci de garder une logique d’impact social et environnemental positive. Ses précédents projets, des studios de yoga ou de coworking (La Cordée, en France) s’inscrivent dans le but de briser l’isolement au travail fréquent dans les démocraties occidentales. Cherchant à faire évoluer les choses et changer les manières de faire, l’entrepreneur met au centre de ses projets le bien-être individuel et l’entraide : ce qui se concrétise souvent par des lieux physiques et des communautés s’y attachant. Les Affûtés s’ancrent dans le partage d’expérience et donc de compétences.
Selon Michael, les pratiques et mentalités peuvent évoluer lorsque l’expérience d’apprentissage est mêlée à du fun. « Si on te dit ce que tu pourrais améliorer, c’est normal de commencer par ressentir de la culpabilité. C’est pour cette raison qu’on te propose de venir seul.e ou avec des ami.es pour apprendre quelque chose de cool, sur une période de 3 heures et de repartir avec un objet dont tu es fier.ère. Quand on mélange fun et fierté, c’est facile de faire passer des valeurs fortes ! »
Il y a 5 ans, le fondateur du projet a ressenti le besoin personnel d’apprendre à développer une compétence manuelle auprès d’un menuisier retraité. « L’expérience a été transformatrice : sur la confiance que ça m’a apportée et la sérénité, même si je faisais du yoga par ailleurs. Le fait de travailler avec ses mains, de travailler le bois, de faire émerger des objets pour soi et pour les autres. J’ai trouvé que c’était une expérience personnelle exceptionnelle. » Savoir utiliser nos mains pour fabriquer des choses, en ressortir plus autonome et sûr.e de soi, c’est une reprise de contrôle sur le monde qui nous entoure, explique Michael.
Ces lieux collaboratifs ont donc un rôle double: donner l’autonomie aux gens et rendre accessibles les compétences manuelles. « Toute personne qui n’a jamais tenu de perceuse est la bienvenue tant qu’elle a envie ! Lors des ateliers débutants, une partie des gens commence par l’utiliser en mode « reverse » et ne va pas comprendre pourquoi ça ne marche pas. Pourtant, personne ne va se moquer parce qu’on a tous fait l’erreur et qu’on est là pour démarrer ! » Conscient de l’importance de la transmission, le projet des Affûtés incarne un lieu d’expérience concrète pour fabriquer un élément physique, s’entraider et réparer un objet ou en tout cas, essayer.
Une usine à créativité pour amorcer une alternative
Depuis le début, la mission des Affûtés est de rendre accessibles les techniques, outils et compétences pour se réapproprier des savoirs artisanaux et manuels tout en adoptant une démarche écoresponsable cohérente. Respectueux des critères Bcorp, le projet identifie rapidement au sein de sa propre organisation les moyens d’avoir un impact neutre voir positif au regard d’enjeux sociaux et environnementaux. À titre d’exemple, la poussière de bois est donnée à un poulailler voisin, les retailles de bois sont récupérées et réutilisées. C’est toute la logique du cercle vertueux ! Grâce à son succès grandissant ces derniers mois, l’équipe parvient à faire de l’économie circulaire et collabore avec les initiatives intéressantes qui viennent à la rencontre des ateliers. Michael veille toutefois à l’équilibre entre considérations environnementales et accessibilité à l’échelle d’un grand nombre de personnes.
Dans la même optique de convivialité, les formateur.ices, appelé.es « les Affûteur.euses », permettent l’effusion d’initiatives caractérisant les ateliers. En tant que fervent partisan du « lean start up », Michael affectionne le mouvement vers des nouvelles activités, rapidement et avec peu d’investissement. « Notre mantra, c’est nourrir la créativité. On adore tester tout le temps des nouveaux ateliers, voir si ça marche, persévérer ou abandonner si ça ne prend pas. La chose fondamentale derrière : il n’y a pas de condamnation à ce que ça ne marche pas au contraire, on est une usine à créativité. C’est le principal indicateur de la santé de notre activité : que ça parte dans tous les sens et qu’il y ait des idées dans tous les sens. »
Fédérer une communauté autour de valeurs essentielles
L’envie de partager les compétences manuelles concrétisées par des lieux d’apprentissage forme donc une alternative concrète à la culture du « vite acheté, vite jeté ». Le fondateur des Affûtés discerne un besoin largement partagé d’aligner engagements personnels et désir de gagner en autonomie. Selon lui, cette envie de retour à l’authenticité serait partagée par toute une génération incitée à cultiver davantage les compétences intellectuelles que techniques. Il observe dans ce sens la connexion entre les envies de faire changer les choses au sein des populations de villes cosmopolites, que ce soit au Canada, en Allemagne, en France ou encore en Écosse. Un peu partout, des projets similaires à ceux impulsés par Michael éclosent en véhiculant des valeurs et énergies connexes.
À l’échelle montréalaise, si une certaine coopération est déjà en place avec le voisinage et dans les domaines artisanaux en temps normal, c’est une solidarité plus humaine et émotionnelle qui a accompagné l’équipe depuis un an et dont témoigne le fondateur. Ainsi, les Affûtés relèvent le défi de participer à la créativité montréalaise tout en se souciant du bien-être des gens, même en temps de pandémie. En tant que formations techniques, les activités ont pu reprendre au début de l’année, et ce, en toute distanciation sociale respectée grâce aux spacieux locaux qui hébergent les ateliers. « On a envie d’apporter de l’énergie aux gens, même si ça complique les choses financièrement, c’est important de remplir notre mission. Particulièrement en ce moment, pour apporter de l’énergie et que ça redémarre pour tout le monde! »
Suggestion de spot:
À l’image des projets qu’il façonne, Michael Schwartz recommande d’aller se balader dans des lieux hybrides. C’est-à-dire au-delà de nos bulles, dans des quartiers qui n’en sont pas vraiment : ces entre-deux qui ne sont pas homogènes et donc plein de créativité.
« L’une des spécificités de Montréal réside dans l’hybridité de certains quartiers qui n’ont pas nécessairement d’identité de quartier forte. Dans le premier atelier, nous ne sommes pas exactement dans la Petite Italie, la Petite Patrie, le Mile-End ou le Mile Ex. C’est le cas aussi pour l’atelier sur la rue Ontario [situé entre Hochelaga, le Quartier des Spectacles, Le Village ou le Plateau]. D’après moi, ces localisations sont vraiment intéressantes parce que c’est là que tu peux t’adresser à des gens très différents. Dans tous mes projets, ça me tient à cœur de mélanger des gens qui ne se seraient pas croisés par ailleurs : une personne de 65 ans qui fabrique quelque chose à côté d’un.e jeune de 20 ans puis d’un.e entrepreneur.euse de 35 ans et des ados… C’est exactement ce qu’on adore ! »
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RÉDIGÉ PAR
Eloise Le Bihan
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