La CAPÉ : la coopérative agricole aux projets engagés et inédits

Pensée par et pour ses membres, MR-63 est partie à la rencontre de la CAPÉ (coopérative pour l’agriculture de proximité écologique), notamment d’Émilie Viau-Drouin qui en est la directrice générale, afin d’en découvrir plus sur ses nombreux projets aux valeurs et convictions inspirantes. Portée par un réel désir de partage et d’ouverture sur le monde de l’agriculture bio et locale, la CAPÉ est aujourd’hui plus que jamais engagée à faire évoluer les habitudes de consommation alimentaire vers un mode de vie meilleur au plus près des producteurs.trices.

Pour celleux qui ne connaissent pas la CAPÉ, on aimerait que tu nous parles de son histoire, notamment de ce qui a motivé vos choix à devenir une coopérative?

É : “Alors il y a 25 ans, des fermiers et fermières ont fondé le “Réseau des fermiers.ères de famille”. Ce n’était pas une entité à proprement dite mais plutôt un projet d’Équiterre. Ce réseau permettait de coordonner toute l’activité. Les producteurs.trices produisent et vont à la rencontre des citoyen.ne.s pour vendre leurs légumes. C’est une agriculture soutenue par la communauté. Le principe c’est que tu t’abonnes l’hiver pour obtenir tes paniers d’été et l’été pour obtenir tes paniers d’hiver. C’est une formule faite pour environ 20 semaines où tu pars directement à la rencontre de ton ou ta producteur.trice à un point de livraison.

La CAPÉ, elle, a 10 ans. Elle a été formée par une équipe de membres du réseau. En fait, à un moment donné, le besoin de structuration, de représentation politique et de développement de nouveaux services s’est crée. On souhaitait une entité proche de nos valeurs et du type d’agriculture qu’on fait. 

En ce moment, on est en rebranding avec Caserne. C’est d’ailleurs avec eux qu’on a collaboré pour le manifeste de la résilience. Puis dans ce rebranding, on se pose la question de comment structurer nos différents projets au sein de la CAPÉ, c’est à dire : Fermiers.ères de famille (le réseau des producteurs.trices), Bio Locaux (l’abonnement aux paniers) ou encore Écoles Enracinées (campagne de vente des paniers par les établissements scolaires) qui finalement sont tous les trois liés.”

On parle ici d’agriculture de proximité écologique, qu’est-ce que ça signifie concrètement?

É : “L’agriculture de proximité écologique signifie : la vente directe de produits bio et locaux aux commateurs.trices, sans intermédiaire.

Quelques mots d’ailleurs sur notre projet Bio Locaux : c’est une mise en marché collective où 2, 10 producteurs.trices se joignent pour faire un panier. Je mets l’accent sur les paniers d’hiver où l’on peut manger jusqu’à 25 légumes. Et comme toustes ne les produisent pas, on rassemble des producteurs.trices pour offrir un panier avec plein de produits. On peut y ajouter du miel, du sirop d’érable, etc. 

Pour en revenir à l’aspect de proximité, il existe une carte interactive en ligne où tu choisis le point de livraison le plus proche de chez toi (ou autre), ensuite tu choisis la ferme qui t’intéresse et tu t’inscris directement à elle. La CAPÉ est un facilitateur. On aide à la coordination, aux communications, à la tenue du site web, au service à la clientèle mais chaque fermier.ère reste indépendant.e. C’est du circuit direct qui te permet d’avoir ton rendez-vous hebdomadaire avec ton, ta producteur.trice!”

Qu’est-ce qui vous différencie dans votre offre?

É : “Ce qui nous différencie, c’est la relation de confiance et de qualité qui se créer entre consommateurs.trices et fermiers.ères. Le fait de n’avoir aucun intermédiaire, c’est 30 à 50% de moins qui est enlevé au producteur.trice. 

On appuie beaucoup sur l’aspect du contact car on vit dans une période d’éco-anxiété absolument valide. Plusieurs études ont montré que mettre les mains à la terre est hyper bénéfique pour la santé mentale. Il y a comme une bienveillance et un sentiment d’appartenance qui permet de reconnecter avec les vraies valeurs. Puis tu as aussi cette assurance que 100% de ton argent va directement au fermier.ère. 

On demande aussi une cotisation de 25 pièces par année qui s’en va au réseau, pour le salaire de tous les employés, les campagnes de communication, le temps rémunéré pour la représentation politique, etc. En tant que citoyen.ne, tu peux participer en plus à la résilience du mouvement. C’est comme ça qu’on peut développer autant de beaux projets.”

Combien de points de livraison y a-t-il à Montréal? 

É : “Comme 264 dans la grande région de Montréal et 150 sur l’île. Dans nos missions de développement, il y a tout un outil de distribution de points de livraison. On s’organise pour que tout ne soit pas au même endroit tout le temps. On peut avoir jusqu’à trois points de livraison à la semaine. On voit aussi que dans les nouveaux quartiers comme Angus ou Masson, la demande ne fait qu’augmenter.”

Êtes-vous implantés ailleurs au Québec?

É : “Ce qu’on aimerait : être dans le coin de Québec. Québec est une très grande ville qui ne vit pas comme Montréal. Il y a moins de densification mais quand même énormément de population. On sait que les producteurs.trices sont présent.e.s et prêt.e.s à s’en aller dans cette direction.

J’en profite pour parler de notre dernier projet car on pense que Montréal est saturée, mais il faut surtout ouvrir les marchés. On a saisi une belle opportunité sur Masson où un coin s’est libéré sur la 6ième. On a sauté sur l'occasion et on peut enfin le dire aujourd’hui : on va ouvrir la première épicerie de producteurs.trices au Québec! C’est inédit, une épicerie 100% bio et locale. Tous les échos des habitant.e.s du quartier sont très positifs. Ils ont besoin de produits bio, locaux, 100% traçables.”

Penses-tu justement que la pandémie a quelque peu fait changer les habitudes de consommation?

É : “On vendait nos paniers à 20 000/25 000 familles par an avant la pandémie. Durant la pandémie : 30 000. Les prix explosaient partout alors que les nôtres sont fixes. Post pandémie, les habitudes sont retournées à la normale mais même si l’on vend moins que pendant la pandémie, on vend aujourd’hui plus qu’avant.

Notre croissance continue et on se rend compte que pour les familles qui ne reprennent pas de paniers, c’est parce qu’après avoir été privées des proches, elles veulent partir voir leur famille, amis à l’étranger, donc pas d’abonnement pour la saison. Ce qui est intéressant car c’est pas une question de vouloir délaisser le produit. Après c’est sûr que c’est une formule qui demande un engagement. C’est tout le principe de l’agriculture soutenue par la communauté. Ce revenu sert au cycle de la production. Et puis si tu ne peux pas te procurer ces paniers, les marchés publics servent à ça. Il y a une vraie relation de proximité.”

Et est-ce que votre service s’étend aussi auprès des restaurateurs.trices?

É : “Certains de nos membres ont ces relations. L’institutionnel, la transformation et la vente sont les trois volets sous-développés dans l’organisation pour lesquels on essaie de faire du démarchage. Il y a quelque chose à faire mais le bémol c’est que dans nos systèmes alimentaires il y a la grande agriculture qui déclasse énormément. Pour notre déclassé, par exemple, on ne jette même pas 5% de ce qu’on a. Et ce qu’on ne garde pas, nous le mangeons ou le donnons aux cuisines collectives et solidaires. Autrement, en compost qu’on va réutiliser dans nos champs.”

Ressens-tu qu’aujourd’hui les jeunes sont de plus en plus sensibilisés à l’agriculture de proximité écologique?

É : “On est malheureusement représentés dans les médias comme de “pauvres agriculteurs pour qui la vie est difficile”. Alors oui, il y a un taux de suicide alarmant dans le milieu agricole et je ne nie pas la détresse que les agriculteurs.trices peuvent vivre. Mais je vois surtout la résilience créée dans notre réseau. Au Québec, on est choyés, on est dans les meilleurs programmes d’aide à la relève pour l’établissement. Alors pourquoi ça n’est pas plus mis de l’avant? Mon travail consiste à tourner ça de manière positive, car ça l’est. Puis quand on vient directement échanger avec nous, producteurs.trices, la rencontre est tellement positive que ça peut faire sauter le pas aux jeunes qui hésitent.”

Dans un aspect autre que purement alimentaire, vous proposez également des ateliers participatifs d’autoconstuction, en quoi ils consistent?

É : “On a une série de services qui sont propres à notre type d’agriculture, dont l’autoconstruction fait partie. Une des missions de notre coordonnateur à l’approvisionnement consiste à sonder les membres pour savoir quels sont leurs besoins. Par exemple, on a construit une essoreuse à verdurette. C’est comme une machine à laver qu’on a transformé en changeant les bacs et qui essore, à la place du linge, la verdurette. Et c’est un vrai travail collaboratif : une personne scie le métal, une ajoute le plastique de protection, une autre l’aspect électronique, etc. On a aussi une grosse part liée à la machinerie agricole qui nécessite de la soudure. Le fait de se réunir pour le faire nous rapproche énormément entre membres. C’est très instructif, nourrissant et comme ça, on réduit les coûts.”

Pour finir, quels conseils donnerais-tu aux personnes qui souhaitent changer leurs habitudes de consommation alimentaire mais qui ne savent pas par où commencer?

É : “Je pense que la première étape serait de commencer par visiter les marchés publics, surtout que c’est pas tellement dans notre culture. En France ou en Espagne, il y a une vraie culture du marché public. Et les gens sont fiers d'acheter leurs produits directement au producteur.trice. Après ça, bien sûr, j’encourage les gens à tester une saison avec les paniers bios. Se faire ce cadeau, s’offrir ça à soi. Avoir le petit plaisir chaque semaine d’aller récupérer ses produits locaux. Mais je dirais vraiment que d’aller dans les marchés publics, rencontrer les producteurs, jaser avec eux, commencer à apprivoiser ces produits-là : c’est un beau moment de partage.”

C’est sur cette belle note qu’on remercie chaleureusement Émilie pour son accueil et la transmission de son savoir; une rencontre forte, touchante et engagée, autour du terroir québécois qui regorge de merveilleux trésors.

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