Le FNC : une 52e édition qui va mettre le feu!
Au cœur de la métropole québécoise, Montréal s'illumine chaque année d'une effervescence artistique unique grâce au Festival du Nouveau Cinéma. Cet événement emblématique, célébrant le septième art dans toute sa diversité et son innovation, constitue un rendez-vous incontournable pour les amateurs de cinéma du monde entier. Des projections fascinantes en passant par des rencontres avec des cinéastes renommés, le FNC offre une expérience immersive qui repousse les frontières de la créativité cinématographique. Et vous savez quoi? C’est du 4 au 15 octobre que ça se passe, avec en bonus un bel avant-goût puisqu’à l’occasion du CORRIDOR Fest piloté par Corridor Culturel, le FNC s’invite le 1er octobre au Hangar 1825 pour une soirée projections 100% jazz.
Dans cette entrevue exclusive, Zoé Protat, directrice de la programmation du FNC, nous dévoile les coups de cœur qui ont marqué la sélection, les invités prestigieux mis à l’honneur ainsi que les thèmes et les surprises qui animeront cette édition exceptionnelle. Mais pas que!
Alors préparez-vous à plonger dans les coulisses de ce rendez-vous cinéphilique incontournable!
Peux-tu nous en dire plus sur le FNC et en quoi il consiste?
Z : “Le Festival du Nouveau Cinéma est donc un festival international généraliste. Ce qui veut dire qu’on a pas de spécialisation, ni en termes de thème ni en termes de genre. On peut avoir un documentaire et du cinéma de genre en même temps. Des films d’ici et de partout dans le monde. De tous formats, courts et longs-métrages. On a aussi toute une section “Explore” dédiée aux nouveaux médias (cinéma en 360 degrés, réalité virtuelle…). On a un côté très proche des technologies et des artistes qui aiment tester de nouvelles affaires. On est très ouverts à proposer des choses qui sortent du cadre. C’est ce qui nous différencie d’ailleurs. On est certes le plus ancien festival sur la scène montréalaise -52 ans cette année- mais on tient à la nouveauté, aux nouveaux artistes.
On teste de nouvelles approches, comme se spécialiser dans le cinéma d’auteur, mais derrière, aucune contrainte, ils et elles peuvent faire absolument tout ce qu’ils souhaitent dans leur projet. On a évidemment une section “Incontournable” mais le cœur de notre programmation/compétition reste les nouveaux talents. Ce qu'on aimerait justement c’est pouvoir suivre des artistes dès le début de leur carrière. Pour les accompagner et les voir grandir.”
Vous avez plusieurs programmes : qu’en-est il exactement? Notamment du Pitch Premières Oeuvres où vous collaborez avec Netflix?
Z : “Le Pitch Premières Oeuvres a été inauguré en 2018. Ça a débuté avec Netflix et ça se passe vraiment super bien depuis. Premier success story d’ailleurs avec la gagnante de la première édition, Ariane Louis-Seize et son long-métrage “Vampire humaniste cherche suicidaire consentant”, qui a été présenté à la 80e Mostra de Venise et qui va être chez nous au FNC en octobre. Et comme la fidélité au FNC c’est important, on a souhaité faire une micro rétrospective sur son parcours.
C’est ça qui est chouette, on reçoit toujours des candidatures variées. On a des films d’artistes qu’on connait, avec des distributeurs qu’on connaît également. Mais on aime aussi recevoir des films d’artistes qui ne sont pas toujours intégré.e.s à la structure initiale. Je les regarde toujours d’un œil extrêmement favorable. La mission cœur, c'est de faire découvrir des artistes, leur voix, faire un portrait de ce qui se passe dans le monde. Proposer au public le meilleur de ce qu’on a vu toute l’année.”
Côté programmation, comment fais-tu pour aller à la rencontre de ces films-là?
Z : “Bien évidemment, on se rend dans des festivals internationaux, mais aussi dans d’autres plus spécialisés, plus propres à nous. Comme c’est le cas du festival de Rotterdam qui se rapproche de notre mission avec une programmation pointue. On navigue dans les mêmes eaux, on y fait de très belles découvertes.
On est aussi en contact avec des distributeurs, artistes. Beaucoup de discussions, de rencontres, etc. On parle souvent de films sans les avoir vus. Donc à partir de ce moment on voit si ça s’inscrit dans notre programmation. On ne prend pas que les meilleurs films, on aime la diversité dans notre contenu.
Nos thématiques sont trans-sectionnelles. Cette année, on a énormément de films engagés. J’appelle ça des films qui veulent mettre le feu. Révolutionnaires. Ces thématiques s’incarnent beaucoup dans la compétition internationale. Il y a comme une envie de reprendre le pouvoir, de s'exprimer sur des sujets tabous, d’oser tout simplement prendre la parole.”
as-tu vu un plus gros volume de productions s’en venir post-covid?
Z : “Oui bien sûr, c’est encore plus parlant chez les distributeurs en salle. Ça n'arrête plus jusqu'à plusieurs gros films qui sortent du même pas. Après, sur la scène internationale, il y a eu du stock tout le temps. Même avec des contraintes de tournage. Là, j’ai l’impression que l’industrie redevient plus ou moins normale. Ce qui est évidemment plus favorable puisque l’une de nos missions est d’accueillir les artistes sur place. L’année dernière, c’était vraiment difficile car certains n’ont pas pu être présents.”
Parlons des invités du FNC de cette année : as-tu des coups de coeur que tu voudrais nous partager?
Z : “Bon, parlons du cas Bertrand Bonello avec son dernier film “La Bête” qui est vraiment une rétrospective complète, la somme de tous ses films, son cinéma. C’est un projet auquel on rêve depuis longtemps. Faire une rétrospective complète d’un.e artiste, c’est la première fois que nous le développons. Autant courts que longs-métrages. On la présente d’ailleurs en collaboration avec la Cinémathèque Québécoise. Ici, on va pouvoir parler du cinéma de Bertrand Bonello, de musique, de philosophie, de science-fiction et de sa place dans le cinéma français.
D'habitude, on offre qu’une louve par année (c’est le nom donné à nos trophées) mais pour cette 52ème édition, on compte en offrir deux. Notamment avec Catherine Breillat où nous avons la chance d’avoir son film “l'Été dernier” diffusé en première au festival. Catherine est une cinéaste vétérane qui n’a pas tourné de films depuis une dizaine d’années. On ne savait pas trop si sa carrière était terminée et voilà que son nouveau film s’est retrouvé en compétition à Cannes. Elle a une feuille de route impressionnante. C’est vraiment formidable de pouvoir l’accueillir. En plus, la Cinémathèque Québécoise a fait cet été toute une rétro de ses longs-métrages.
Je trouve que ce sont deux invités de prestige qui collent parfaitement avec le FNC. Évidemment, quand on offre une louve d’honneur ce sont forcément des artistes à la carrière établie et très célébrée. Mais en même temps, on veut honorer des artistes qui sont restés libres, sans concession, presque dans l’underground. Des artistes qui prennent des risques et qui n’aiment pas les cases.”
Dans les cours ou les premières productions, est-ce que certaines œuvres t’ont marquée?
Z : “Il y a des films qui revendiquent beaucoup sur les sujets de la colonisation. “Los Colonos” par exemple, un film chilien qui se passe au tournant du XXe, est un genre de néo-western en terre de feu. Et ça va vite tourner à l’extrême violente. Ce sont des films d’époque mais qui traitent de sujets très importants.
On en a un autre qui se passe en Indonésie et qui s’appelle “Sweet Dreams”. C’était à l’époque une colonie des Pays Bas. Ce film nous apporte donc ce basculement où le pays qui était autrefois une colonie se soulève par le peuple qui reprend ses droits.
Ce sont des films historiques mais qui n'ont rien à avoir avec ce qu’on attend du classique. Ils ont un discours très fort.
Je pense aussi à un autre film qui s'appelle “Indivision”. Ce n’est pas un film d’époque mais ça parle de politique territoriale, de rapport de force : qui possède les terrains, qui en sont les propriétaires, qui les vend à qui, etc.
Sinon, sur un tout autre registre mais 100% révolutionnaire, je pense à “Orlando ma biographie politique” qui est un film qui parle de transidentité et de non-binarité. C’est un documentaire très intime, super créatif, qui appelle à l’action. Il donne beaucoup d'espoir.”
Penses-tu que ce sont des thématiques qui vont aider/interpeller un plus jeune public?
Z : “J’espère vraiment. Déjà on a la chance d’avoir un public très divers. Un public aussi très jeune, même pour des films de répertoire en version restaurée. Mais chaque année, on a du nouveau public à conquérir. Pour ça, on a des initiatives comme le Campus FNC pour le public universitaire. On met en place de nombreuses activités pour aller chercher un public jeune, engagé, qui s'intéresse à l’art et aux sujets de société.”
On imagine que l’estival vous aide pas mal à aller chercher du public? Comment s’est passée cette édition?”
Z : “Ça a été une superbe édition. Chaque année ça ne fait que grossir. C’était une initiative pour nos 50 ans et voilà que ça fait la troisième année. Depuis deux ans, les gens peuvent rentrer comme ils veulent, c’est gratuit et accessible. Puis c’est un évènement vraiment le fun. On cherche des films rassembleurs, qui se projettent bien en extérieur mais aussi beaux à regarder en plein air. Mais aussi des films qui nous ressemblent. Cette année, on avait un film de Quentin Dupieux, un classique avec “Fumer fait tousser”. On avait aussi un film de l’auteur Kaveh Nabatian, d’origine iranienne. Ce sont des créateurs qu’on suit aussi, qui nous ressemblent. On proposait en plus des projections des performances avant et après comme de la danse et des DJ Sets.”
A l’inverse, y a t-il des productions québécoises qui s’exportent à l’international? Qui font leur marque ailleurs?
Z : ‘Absolument. Ça bouge un peu, mais c’est sûr qu’il y a des noms très attendus qui reviennent chaque année. Il ne faut pas juste regarder les nominations aux Oscars. Par contre, aller voir les sélections jeunes talents ou autres est intéressant. Pareil pour le festival de Rotterdam, ils ont une belle sensibilité pour le cinéma expérimental. Ici au Québec et à Montréal on a plein d’artistes de films musicaux et expérimentaux de grand talent qui sont très souvent sélectionnés à Rotterdam. Ils ont moins de reach médiatique mais ils shinent beaucoup à l’international. Ca m’a toujours stupéfaite quand je voyage et que je parle avec des programmateurs de n'importe où dans le monde qui me disent “oh mais bien sûr je connais l'œuvre entière de tel.le artiste montréalais.e”. Donc oui de manière générale, le rayonnement à l’international est beaucoup plus large et varié qu’on ne le pense.
Il y a plein de façons de faire sa place ailleurs. Il faudrait surtout que les médias embarquent et ne se limitent pas qu’aux sélections d’Oscars ou autres. Il y a des publics différents pour chaque œuvre, c’est ça qui est fort. Et puis d’autres films peuvent être complètement ouverts à toutes et tous.”
Penses-tu que les plateformes de streaming peuvent aider à faire découvrir ce qu’on fait de plus niché ici ou ailleurs?
Z : “Évidemment, il y a plateforme de streaming et plateforme de streaming. Certaines sont justement spécialisées avec une curation des meilleurs documentaires, des meilleurs focus. Après, sur d’autres, le contenu se perd dans la masse. Tu ne sais pas par où commencer. Je pense que la recommandation sur ces plateformes c’est quelque chose d’important, un peu comme une mini-curation. Si tu l’as pas, c’est dur de faire de vraies découvertes. Pour moi, dans l’avènement des multiplateformes, le rôle des festivals ou des médias/publications spécialisées est de plus en plus pertinent. Les gens ont besoin d’être conseillés, ils ont soif de découvertes. Aller dans les festivals c’est extraordinaire car il y a déjà des choix de fait. Et que tu aimes ou pas, au moins tu te seras fait ton propre avis. Ce sera toujours positif.”
On vit dans une époque où la consommation du cinéma évolue. Penses-tu qu’on va tranquillement se diriger vers de petits cinémas spécialisés?
Z : “C’est sûr que c’est un phénomène mondial. En Europe, il y a un fort engouement pour ces salles-là. Ici, ça s’en vient doucement. Comme les salles Beaubien, le Parc ou le Moderne. Ce sont des salles qui tiennent à coeur aux gens. Elles fonctionnent bien, elles ont leur propre identité. Plus il y en aura, plus les gens vont les découvrir et créer des habitudes. Tout ça, ça prend du temps. Puis on a perdu 2 ans à cause de la pandémie. Je ne peux que rêver que ces cinémas-là soient de plus en plus solides et que d’autres voient le jour. Il y a une vraie qualité en termes de projections mais aussi de rencontres quand des invités sont conviés.
J’encourage vraiment les gens à essayer des films. C’est plus accessible qu’un opéra ou un concert et t’as pas besoin de t’y prendre trois mois à l’avance. Aller dans un festival pour découvrir un film qu’on ne connaît pas, c’est vraiment un risque minimum.”
Comment vois-tu cette nouvelle édition du FNC qui aura lieu du 4 au 15 octobre?
Z : “Je pense très sincèrement que ça va être une grande année pour plusieurs raisons : d’abord tu as le côté plus prestigieux et médiatique avec de grands invités qu’on a la chance d’accueillir. On a aussi la rencontre entre Chloé Robichaud et Atom Egoyan qui va être un super beau rendez-vous. Ce qui est incroyable c’est que leurs films respectifs se répondent tellement bien. Ils mettent en scène des personnages de jeunes femmes dans des positions de pouvoir au sein du milieu de la musique classique. Deux films sur la même thématique qui en plus sont sortis la même année, réalisés par deux cinéastes canadiens célèbres de générations différentes.
Sinon, au niveau du cœur du festival, il va y avoir tellement de belles œuvres. Les signatures sont très fortes cette année. Des films super diversifiés au niveau géographique. Cette année, on a une belle présence du cinéma africain. Perso, c’est la première fois que j’ai deux films africains en compétition internationale qui en plus sont réalisés par des femmes. Il y a une vraie parité qui se poursuit avec la présence de plus en plus de réalisatrices.
Pour tout dire, je suis vraiment fière de l’équilibre de la programmation complète de cette édition. Ça va vraiment être le fun!”
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Alors, qui sera de la partie pour cette folle édition?
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