Alice Picard, collaborer et s’écouter pour mieux créer
D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Alice Picard a toujours dessiné et savait qu’elle allait devenir une artiste. Intégrant un CÉGEP en arts plastiques, elle se dirige vers un bac en design graphique à l’UQAM au cours duquel elle a l’opportunité de vivre un échange à Strasbourg, à l’école supérieure des arts décoratifs. Son goût pour l’illustration se confirme dans cet univers qui lui permet de rencontrer d’autres artistes talentueux.ses. « C’était comme se retrouver dans une communauté qui me ressemblait, quand je suis revenue ça m’a motivée à travailler plus en illustration.» Elle souligne ainsi le bénéfice d’avoir côtoyé un programme d’étude la préparant au milieu du travail au Québec et une formation mettant davantage l’emphase sur l’expérimentation artistique en Europe.
Forte de son parcours enrichi de deux systèmes d’éducation complémentaires, Alice Picard crée à la fois en tant qu’illustratrice, artiste visuelle et designeuse graphique. Ses coups de crayon prennent vie à travers les divers projets personnels et collaboratifs dans lesquels elle s’investit avec spontanéité.
« À la base, je suis plus une artiste visuelle, mais j’ai toujours voulu garder ce côté de la création un peu naïf, un peu expérimental. Même dans le design graphique, j’essaie de garder le côté arts visuels, peut-être plus authentique. Mon travail entremêle plusieurs techniques afin de donner un sens à chaque projet. J’aime pouvoir dire oui à tout ce qui arrive, voguer au gré des opportunités, c’est un peu mon côté naïf, puis à chaque fois ça me mène à des projets super cool ! »
Une démarche authentique dans l’action de créer
L’une de ses récentes collaborations démontre toute l’efficacité de laisser place à la spontanéité dans les rencontres qu’elle fait. Peut-être auras-tu la chance, cet été, de trinquer dans l’un des verres nés de la rencontre entre ses personnages tout en courbes et la Maison Bolé. C’est à l’occasion d’une vente de prints l’année passée que Bénédicte de la Maison Bolé propose à Alice Picard de dessiner sur des verres à vin. « Une rencontre comme ça, c’est incroyable, ça part de quelqu’un.e qui te fait confiance et qui me donne page blanche, c’est une espèce d’étincelle ! »
Les collaborations ainsi que les discussions ou encore l’esprit de communauté apparaissent comme des piliers pour s’inspirer mutuellement, se conseiller ou créer ensemble. En temps normal, elle partage un studio avec deux amis illustrateurs ce qui rend aussi possible de s’enraciner, d’échanger, de se côtoyer à travers l’hiver et le renouveau du printemps : bref, s’accompagner dans le processus créatif ! L’aspect très humain de la création artistique réside ainsi, selon Alice, dans la collaboration, la confiance et la liberté que des personnes s’apportent mutuellement en se poussant vers le haut à travers leurs projets. Reconnaître le travail artistique, c’est aussi prendre conscience que derrière chaque résultat fini, il y a tout un travail, des recherches de couleurs, des corrections, des dizaines d’esquisses…
Ainsi, l’univers inspiré du cubisme d’Alice est le fruit d’une démarche qu’elle s’attache à garder authentique. « Je vois ma pratique comme quelque chose de naïf, j’ai de la difficulté à réfléchir avant de créer. J’adore travailler à la main pour avoir une interaction plus directe et fluide avec mon médium. En étant dans l’action de designer, en faisant plusieurs croquis: un dessin en amène un autre, les formes se superposent et les lignes se modifient. C’est comme une gestuelle impulsive qui sort sur papier et en ayant un sujet en tête, j’essaie de la diriger et de la contrôler. J’aime y aller avec le flot, travailler les interactions, les regards, les corps humains, les postures mais pas nécessairement représenter une action concrète. Par exemple, les dernières illustrations que j’ai réalisées révèlent deux personnes qui se saluent. Mon but était de montrer la chaleur humaine, une espèce de connexion entre les gens sans qu’il y ait de gros sujets! C’est une recherche de formes graphiques, à ma sauce. »
Découvrir son univers, le regarder, y réagir
À propos des sujets qu’elle dessine, Alice apprécie que ses œuvres fassent l’objet de plusieurs réappropriations, à l’image de la fluidité de genre qui les caractérise. « Quelqu’un.e peut être persuadé.e que c’est un homme alors que moi je l’ai dessinée comme une femme, j’aime le côté mystérieux, qu’une même chose puisse être vue par chacun.e de différentes façons. En fait, ce sont des étapes assez définies : il y a les esquisses qu’on ne verra pas, puis je mets un sujet et il y a la réception, l’interprétation, la vie des objets par après qui peut prendre une signification spéciale. »
Si ces croquis prennent vie sous de multiples formes, c’est parce qu’Alice investit son travail visuel et plastique dans divers projets qu’elle affectionne. Elle compte ainsi comme membre de la coop Collaboration Spéciale conçue par 5 femmes [Shanti Loiselle, Marie-Christine Lemieux-Couture, Janick Blanchet, Sophie Laliberté] aux talents tout aussi polyvalents. Œuvrant dans le milieu artistique et numérique, la coopérative propose des services hybrides englobant plusieurs facettes de la culture laissant libre champ à l’expérimentation personnelle de chacune.
Au cours de l’année de pandémie, Alice Picard a dû faire face à un diagnostic de cancer dont le traitement s’est achevé quelques jours avant notre rencontre. Maintenant guérie, elle partage ce moment éprouvant courageusement alors que le printemps s’installe comme une promesse de renouveau ! « On dirait qu’il faut que j’en parle parce que ça fait partie de moi, ma création, ma vie personnelle. J’en profite pour parler du fait que prendre des pauses en création c’est vraiment positif. À chaque fois que j’ai pris des pauses, il y a toujours une réflexion qui se passe inconsciemment, une nouveauté qui arrive quand on se remet à la création. Alors là même moi j’ai hâte de voir ce que ça va être ! »
Suggestion de spot:
« Il y a un endroit à MTL où on peut voir au loin, ce qui fait du bien et particulièrement lors d’un beau coucher de soleil avec la lumière qui revient. C’est dans Outremont, dans une ancienne voie ferrée : c’est le projet du campus MIL de l’UdeM. Il y a un côté industriel mélangé avec des gros bâtiments de construction, le soir il y a le gros coucher de soleil.. Ça fait partie des petits moments dans la journée qui sont bénéfiques! »
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RÉDIGÉ PAR
Eloise Le Bihan
CRÉDITS PHOTOS
Alice Picard et Vincent Castonguay