Ma mémoire n’a pas de nom : le nouveau recueil érotique signé Catherine Légaré
Amoureuse des mots qui apaisent les maux, Catherine Légaré s’inspire de l’amour, de la légèreté de l’être et de ses émotions pour recueillir des instants de vie figés par écrit. Née à Montréal et bachelière en études littéraires profil création à l’UQÀM, elle devient en 2011 écrivaine de poésie et de nouvelles érotiques.
Et parce que son rêve a récemment pris forme, Catherine fête depuis plusieurs semaines la sortie publique de son tout premier recueil québécois “Ma mémoire n’a pas de nom”, aux éditions Fond’tonne. Un opus tout doux de 64 pages, facile à lire et à apprécier où que l’on soit. Enfin presque, vous l’aurez compris.
Écrivaine aux valeurs inclusives fortes, nous avons souhaité partir à sa rencontre pour en savoir plus sur son métier et sur ce qui l’a guidée à intégrer l’univers érotique à sa pratique. On vous ouvre aujourd’hui les portes sur ce monde encore peu reconnu, où l’amour, la sexualité et la sensualité vus par une femme et pour les femmes n’est plus un tabou!
Qu’est-ce qui t’a poussé à t’intéresser à la littérature? Quel a été ton premier contact? Ça t’est venu dès le plus jeune âge?
C : “Je souhaitais apparemment depuis mes 4 ans devenir écrivaine. Même si je ne savais pas concrètement ce que ça signifiait. En fait, j’ai toujours eu un gros intérêt pour les mots. J’ai commencé surtout à m’y intéresser quand je savais “proprement” lire. Entre 7 et 10 ans, j’ai développé une certaine curiosité à ce niveau là. J’allais dans les bibliothèques, je lisais plein d’affaires. J’étais le genre d’enfant qui lisait trois livres en même temps.”
Tu as développé cette sensibilité littéraire naturellement ou avais-tu des écrivains/écrivaines dans ton entourage?
C : “Je me rends compte que non. Personne de ma famille n’avait particulièrement cette appétence. Je dirais que c’était instinctif et que ça s’est développé avec le temps. Après, c’est sûr que certain.e.s de mes professeurs au secondaire m’ont vraiment aidée à nourrir ma curiosité intellectuelle grâce à la lecture. Ça canalisait mon énergie et mon focus. J’étais assez solitaire comme enfant, le fait de lire me transportait dans mon imagination. “
As-tu eu un moment “déclic” où tu as commencé à te dire que tu allais à ton tour te mettre à écrire? Un désir de créer?
C : “Je pense que c’est autour de ma première année de Cégep, vers 17 ans, que j’ai commencé à écrire. Je savais pas nécessairement qu’il s’agissait de fragments poétiques mais je me rappelle que c’est à ce moment-là que j’ai découvert le poète québécois Hector de Saint-Denys Garneau que j’admire énormément. À chaque fois que j’ouvre un de ces recueils, il y a quelque chose qui se déclenche en moi. On dirait que c’est la seule lecture qui me transporte aussi loin. J’avais un carnet que je trainais tout le temps avec moi. Dès que je sortais du métro, j’écrivais. C’était spontané. Avec un cellulaire aujourd’hui c’est différent. Si je me réveille dans la nuit et que je pense à quelque chose, j’ouvre mes notes chaotiques et j’écris de quoi rapidement. Avant, j’avais plein de cahiers à côté de moi pour figer l’instant des mots. Sinon, l’écriture “concrète” a commencé vers 2011 au début de ma vingtaine.”
C : “C’est une bonne question. C’était encore une fois très instinctif surtout qu’à l’université tu testes beaucoup de choses. J’ai pris des cours tellement diversifiés. J’écrivais déjà de la littérature érotique mais je pense que c’est un peu le classique du “tu commences à écrire” où tu essaies et observes des thèmes assez généraux comme l’amour. Thème qui a l’air d’être facile à aborder dit comme ça alors que c’est vraiment complexe. Je me suis donc tranquillement dirigée vers ça pis je pense que la sexualité, c’est un autre type de médium pour parler de soi-même, des autres et de l’amour. Je me suis vraiment découverte là-dedans et j’ai plus exploré la voie de l’érotisme, la sensualité. Aujourd’hui, en tant que femme, je me rends compte que j’ai cette démarche là car la sexualité a toujours été écrite par les hommes. J’avais ce goût de me réapproprier ça et d’aider les femmes à se réapproprier leur corps au travers de mes écrits.”
Sens-tu que la littérature érotique commence à se faire une place au Québec?
C : “Disons que c’est assez niche. Déjà que la poésie en tant que telle n’est pas très accessible alors de la poésie érotique écrite par une femme… Il y a une certaine démocratisation mais on associe toujours les écrits érotiques à quelque chose de sale ou de vulgaire, bien que je n’ai rien contre non plus. Il y a encore beaucoup d’étapes à déconstruire par rapport à ça.”
Et tu écris maintenant en ton nom ou sous ton pseudonyme “Lafemmealaplume”?
C : “J’avais avant une plateforme de blogue en mon nom. Puis autour de 2015, y’a comme eu un gros boost sur mes vues, fait qu’on m’écrivait beaucoup. J’ai reçu des recueils et des messages de tous types, parfois très déplacés. J’avais donc ce besoin de prendre une distance par rapport à ça, ça devenait trop personnel. Pour déconnecter un peu, j’ai ouvert un compte Facebook et Instagram sous le pseudo “Lafemmealaplume” -oui, j’ai une obsession pour les mains et les plumes *rires*-, pour les gens qui s’intéressent vraiment à la littérature. Ils sont moins tentés de m’écrire ou s’ils le font c’est pour me partager un témoignage d’appréciation. Mais j’ai décidé de publier mon recueil sous mon vrai nom car la distance est aujourd’hui bien installée. Je suis capable de faire la différence entre les deux. Et ça reste ma signature, mes mots. Il fait partie de mon identité, de ma vie.”
C’est quoi la vision que tu souhaites transmettre dans ton écriture?
C : “Je pars d’un mot, d’une émotion ou d’une situation pour écrire. Quand je lis les commentaires des gens, c’est intéressant de voir qu'on a quand même toustes la même perception initiale de ce que j’avais voulu créer. Après ça fait partie du travail avec mon éditeur. Parfois tu écris quelque chose et tu as tellement le nez dedans que ça parle pas toujours aux autres. C’était parfois tellement pointu. Mais tu y tiens dur comme fer alors j’ai dû être capable d’aller travailler l’imaginaire autour pour étendre ma vision. Pour un.e écrivain.e, c’est important que le.a lecteur.trice puisse se reconnaître dans ce que tu écris. Une fois l’ouvrage publié, il t’appartient plus. Donc faut que les gens soient capables de s’identifier.”
Comment l’édition de ton recueil s’est concrétisée? C’est le fruit d’une collaboration ou tu avais déjà cette idée de le développer depuis longtemps?
C : “Ce manuscrit là existe depuis 2015 et je l’ai terminé en 2019. À ce moment il y avait 365 poèmes écrits dedans. Je l’ai envoyé à deux maisons d’édition qui l’ont refusé. S’en est venu ma rencontre avec Anthony Lacroix qui est mon éditeur actuel de chez Fond’tonne. En 2020, il m’avait contacté pour me demander de lui envoyer mon manuscrit. Et ça a tout de suite matché entre nous. Après, j’avais déjà travaillé à réduire mon recueil à 52 poèmes avant de lui transmettre. On a collaboré ensemble de 2020 à 2021. C’était un travail rigoureux, j’ai dû faire autour de 9 versions avant validation finale.”
Et de 2015 à sa sortie, y’a-t-il eu de gros changements, évolutions dans ta manière d’écrire, de t’inspirer?
C : “C’est vrai qu’il y a un peu un ordre, une ascension dans la lecture. De la naissance jusqu’à la mort pour le dire littéralement. Mais bien sûr plein de choses m’ont affectée. En 2015 j’étais au bac, j’ai été en relation, célibataire, etc. pis la pandémie m’a aussi beaucoup marquée. En 6 ans, tout ce que tu peux vivre, c’est comme avoir différentes vies, surtout quand t’es jeune et que tu te cherches.”
As-tu une genre de structure avec laquelle tu aimes travailler ou c’est principalement spontané?
C : “Disons que c’est plus facile d’être focus avec un éditeur puisque tu as des guidelines mais oui quand j’ai commencé à écrire c’était clairement organique. Après, j’ai besoin d’être dans un mood ou dans un état d’inspiration. Quand j’ai rencontré Charlie Bourdeau -l’illustratrice de mon recueil-, ça m’a vraiment aidé à le terminer. Etant aujourd’hui en couple, c’est plus difficile pour moi d’écrire. Faut que j’aille trouver autre chose dans cet état là. Avec mon éditeur, ça aide. Ça aide à pousser tes limites, à t’orienter.”
On voit que tu as auparavant écrit des nouvelles : pourquoi avoir décidé de réduire considérablement le volume de tes écrits?
C : “Sur mon site internet, j’aime explorer le côté sensoriel en suggérant des musiques à écouter ou des boissons à déguster pendant la lecture. L’idée du recueil je le vois plus comme une caresse, du genre : une femme qui est en peine d’amour et qui a besoin d’un réconfort. C’est englobant. Tandis que mes nouvelles érotiques, faut plus se mettre dans le mood. Mes poèmes sont plus instantanés, plus percutants. Ils sont aussi plus accessibles. J’ai toujours eu de la difficulté avec la littérature classique qui n'est pas toujours accessible selon le vocabulaire utilisé pour sa compréhension. Je voulais que les femmes, québécoises surtout, puissent s’identifier facilement. Ça aide à la proximité.”
En parlant d’identité, t‘as travaillé avec Charlie Bourdeau pour l'illustration : c’est contemporain, c’est punk. Comment s'est passée votre rencontre, votre connexion?
C : “Charlie est une artiste queer qui a aussi fait le logo de mon podcast. Je l’ai rencontrée grâce à une amie en commun. Je l’avais invitée au podcast pis on a eu une super connexion. Pour la sortie de mon recueil, ça me semblait important d’y aller avec une artiste femme ou non-binaire. On avait pensé à quelques personnes avec Anthony mais j’arrêtais pas de penser à Charlie qui me connaît et sait ce que j’aime. Je voulais représenter les 4 éléments et d’autres choses que j’aime. Le contact était vraiment naturel. J’ai vu les illustrations une fois et ça a direct matché. Beaucoup de gens sont visuels donc je voulais vraiment accorder de l’importance à ça pour que ça donne envie de le découvrir. C’est le fun d’avoir cette liberté avec ma maison d’édition.”
C’est quoi que tu as trouvé le plus dur et le plus fun dans la publication de ton recueil?
C : “Le plus dur? La patience *rires*. L’important c’est pas que ça soit juste beau mais bon. Que je sois fière du résultat encore 10 ans après. C’est difficile d’être patient quand tu écris ton tout premier recueil. C’était le rêve de ma vie. Le jour du lancement, le nombre de personnes venues me rencontrer, c’était incroyable. Surtout pour de la poésie érotique. On a fait un beau succès. C’était de l’euphorie pure. Je pense pas avoir déjà ressenti de stress aussi positif. Tu reçois une dose d’amour indescriptible. Pis tu révèles quand même quelque chose qui t’appartient, à la base. Une fois lancé, tu peux plus rien contrôler. Tu dois lâcher prise. Aujourd’hui, mon recueil se retrouve dans une soixantaine de libraires indépendantes. Je pensais pas avoir cette vitrine. Pis le fun c’est d’avoir le retour des gens qui l’ont découvert. La fierté des proches.”
Tu avais en parallèle un projet d’art de rue, tu peux nous en dire plus?
C : “Pour tout dire, je faisais un jogging dans un parc et j’ai vu une craie qui trainait. J’ai pris la craie et j’ai écrit un truc du genre : les jours sont sans lumière sans toi. Là j’ai été m’acheter d’autres craies et j’ai commencé à écrire des phrases un peu partout dans mon quartier. A l’époque il y avait un terrain vague et j’ai placé une pancarte “mon cœur est un terrain vide”. Par la suite, j’ai développé mon dernier projet “des amours modernes” que j’ai installé dans un cimetière à Québec. Des petits écrits de vie, anonymes.”
On est à un mois après sa sortie, comment te sens-tu aujourd’hui? As-tu le goût d’en faire un autre prochainement?
C : “Je me concentre beaucoup sur des appels de textes. C’est une manière de tenir mon écriture alerte, vivante. Je fais aussi partie de l’Union des écrivains depuis récemment. Je pense que je vais aussi me laisser du temps car pour tout dire j’en suis pas encore totalement revenue.”
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On vous recommande donc chaudement de vous procurer cette nouvelle pépite littéraire qui réchauffe le cœur… et le corps!
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